La station de pompage Craig possède une grande valeur patrimoniale, attribuable tout d’abord à son ancienneté
Par | Le 16/12/2017 | Commentaires (0)
À la suite des recommandations de la Commission des inondations, la Ville de Montréal fait construire cette station de pompage en 1887. Pendant près d’un siècle, la station Craig demeure fonctionnelle. Depuis que la station est devenue une installation excédentaire dans les années 1980, on dénote, de la part du milieu culturel montréalais, une volonté d’animer ce lieu. Ainsi, plusieurs événements culturels ont été organisés dans l’ancienne station de pompage. Sa localisation particulière entre deux voies rapides ainsi que son état physique représentent un défi à son éventuelle mise en valeur.
Le bâtiment est identifié aux documents d'évaluation du patrimoine urbain dans la catégorie suivantes : Immeuble de valeur patrimoniale exceptionnelle (juridiction municipale).
Jusqu’au milieu du XIXe siècle, l’évacuation des eaux usées et de surface s’effectue directement dans les cours d’eau naturels de l’île, qui deviennent parfois des égouts à ciel ouvert. Bien que les premiers systèmes d’aqueduc soient apparus depuis 1800, il n’existe pas de véritable système d’égouts en 1850, où les fossés et cours d’eau tiennent toujours lieu de décharge publique. En 1852, au moment où la Corporation de la Cité de Montréal planifie d’améliorer son approvisionnement en eau potable en prenant sa source en amont des rapides de Lachine, un premier réseau de canalisation et de collecteurs des eaux usées est mis en place et suit dorénavant la croissance du réseau d’aqueduc. La canalisation souterraine des rivières Saint-Pierre et Saint-Martin, alors très polluées, figurent aussi parmi les principaux projets d’amélioration du réseau.
Par ailleurs, en plus de causer des dommages matériels, les inondations récurrentes dues aux embâcles printaniers, durant le XIXe siècle, sont réputées productrices de miasmes propices à la propagation de maladies.
Suite à l’inondation record du printemps 1886, la Corporation de Montréal prend les moyens pour enrayer ce fléau en planifiant des mécanismes pour retenir, ou écouler, les surplus d’eau. Trois constructions municipales voient ainsi le jour en 1887 : la digue Saint-Gabriel à Pointe-Saint-Charles, aujourd’hui démolie, ainsi que les stations de pompage Riverside et Craig qui, situées en bout de ligne du réseau de l’époque, permettent de pomper l’eau excédentaire dans le fleuve via l’égout collecteur. Grâce à ces installations, mais aussi en raison du dragage du fleuve et de l’aménagement de la voie maritime du Saint-Laurent, Montréal ne subit plus d’inondations printanières.
Points d'intérêt
La station de pompage Craig, destinée à enrayer les inondations qui touchent Montréal de façon régulière au XIXe siècle, possède une grande valeur patrimoniale, attribuable tout d’abord à son ancienneté. Avec sa contemporaine, la station de pompage Riverside, il s’agit de la plus ancienne structure de ce type subsistant toujours à travers le réseau d’aqueduc et d’égouts de la ville de Montréal. Les autres installations de ce genre qui existent toujours datent pour leur part du XXe siècle. De plus, sa valeur documentaire exceptionnelle est attribuable au maintien de ses composantes principales toujours en place, soit son architecture ainsi que les pompes et les machines à vapeur qui les actionnaient.
Bien que cette station de pompage soit désaffectée depuis la fin des années 1980, son degré d’authenticité est très élevé, car elle n’a pas subi de transformations significatives depuis sa construction en 1887.
La station de pompage Craig est un témoin significatif de l’histoire du réseau d’aqueduc et d’égouts de la Ville de Montréal, l’un des plus anciens en Amérique du Nord.
Par ailleurs, la station Craig possède une bonne valeur architecturale. Conçu par les architectes de renom Perreault et Mesnard, l’édifice témoigne du savoir-faire de ces derniers, qui ont surtout œuvré en architecture institutionnelle et religieuse. Avec la station Riverside, la station de pompage Craig constitue le seul ouvrage de services publics réalisé par ces architectes. Le soin apporté à la composition architecturale des deux façades principales, avec leur pierre rustiquée, le bas-relief représentant les armoiries et la devise de la corporation de Montréal, leurs frontons, leurs corniches ainsi que leurs fenêtres insérées dans des cadres de fonte ornementés confèrent une figure d’édifice public à ce bâtiment de dimensions modestes.
Originellement entourée d’immeubles, qui ont depuis été démolis, la station de pompage Craig est désormais isolée, son environnement bâti et urbain ayant été largement altéré avec le temps. Néanmoins, elle est située près du fleuve, dans un secteur emblématique, avec à proximité des monuments importants tels que la prison du Pied-du-Courant, le parc Bellerive et le pont Jacques-Cartier, faisant de ce secteur un point d’intérêt pour l’ensemble de la ville.
Voici la rue Notre-Dame qui prend ici des allures de Venise. Le premier commerce que l'on voit à gauche est celui de madame H. Poitras, chapelière. Elle y vend des chapeaux pour tous et pour tous les goûts. Elle a probablement acheté le commerce de Charles Berthiaume, lequel faisait le même métier l'année précédente. À côté se trouve le London Saloon dont un occupant du premier étage, peut-être le propriétaire, observe le photographe. Tout juste après, devant les canotiers de fortune, il y a la boutique de vêtements pour hommes des Frères Brault, dont Arthur Brault est tailleur. D'autres commerces, que l'on peine à distinguer, s'ensuivent dont le tabaconniste William L. Ross. Un tabaconniste, terme qui n'est plus utilisé aujourd'hui, désigne simplement un marchand de tabac. À droite on voit l'enseigne de Z.C. Jolicœur où l'on vend du tissu. L'enseigne où l'on ne voit que les initiales F.X. est celle de François-Xavier Guérin, tailleur. Malheureusement tous ces gens, tant propriétaires de commerces que locataires vont devoir éponger cet immense dégât et comptabiliser des pertes matérielles considérables.
Ici, la rue Notre-Dame, près de l’avenue De Lorimier au début du 20e siècle avant que soient entamés les travaux de construction du pont Jacques Cartier en 1926 (inauguré le 24 mai 1930). Ce secteur fait alors partie du quartier Sainte-Marie, longtemps l’un des quartiers ouvriers les plus importants de Montréal. Il est maintes fois amputé par la suite dans le cadre des chantiers de la Place Radio-Canada et de l’autoroute Ville-Marie. Aujourd’hui, sur cette portion de la rue Notre-Dame, seuls quelques bâtiments industriels témoignent de cette vocation passée… Remarquons ici l’ancienne station de pompage Craig – érigée en 1887 et active jusque dans les années 1980 – dont la cheminée bien droite est le seul point de repère entre les deux photos.
Un collectif devrait être créé pour protéger cet édifice historique. Il se trouve à 60 mètres de la prison du Pied-du-Courant ou prison des Patriotes-au-Pied-du-Courant, un édifice patrimonial de Montréal classé site historique en 1978 qui fut le lieu de l'incarcération et de l'exécution par pendaison d'un certain nombre de Patriotes ayant combattu dans la Rébellion du Bas-Canada.
Les concepteurs de la construction : Perrault et Mesnard
Maurice Perreault (1857-1909) et Albert Mesnard (1847-1909) forment la firme d’architecture qui porte leur nom de 1880 à 1895. Cette dernière compte à l’époque parmi l’une des plus importantes de la profession et son carnet de commandes est bien rempli, surtout pour des édifices religieux et institutionnels. On leur doit entre autres l’agrandissement du Vieux-Palais de justice de Montréal, 155 Notre-Dame Est (1890), les églises Saint-Charles et Saint-Gabriel, 2115 et 2157 du Centre (1889 et 1891), et le bureau d’enregistrement de Longueuil (1890). Plus tard associés à Joseph Venne, ils concevront notamment le Monument National, 1182 Saint-Laurent (1891-1894). Perreault et Mesnard sont également les concepteurs de la station de pompage Riverside, érigée à la même époque que la station Craig.
À propos de Maurice Perreault
Né à Montréal, le 12 juin 1857, Maurice Perrault est le fils d'Henri-Maurice Perrault, architecte et arpenteur, et de Marie-Louise-Octavie Masson.
Perrault fait l'apprentissage de l'arpentage dans le bureau Perrault et Rielle et de l'architecture auprès de son père, de 1875 à 1879. À partir de 1880, avec son associé Albert Mesnard, il prend la direction du bureau de son père. Sous la raison sociale Perrault et Mesnard, ils se spécialisent dans l'architecture religieuse et institutionnelle.
Perrault et Mesnard réalisent les plans de nombreux lieux de culte, généralement dans la région de Montréal, dont la basilique de Sainte-Anne (1883-1887) à Varennes, la cocathédrale Saint-Antoine-de-Padoue (1884-1888) à Longueuil et la chapelle Notre-Dame du Sacré-Coeur (1889-1891) à Montréal. Au cours des années 1890, ils se voient confier de prestigieuses commandes dont le Monument-National (1891-1894) et le pavillon de l'Université Laval à Montréal (1893-1895). En 1888, Perrault, qui est d'allégeance libérale, est nommé architecte en chef pour le district de Montréal par le premier ministre Honoré Mercier.
En 1892, Perrault et Mesnard s'associent au dessinateur Joseph Venne. La société est dissoute en 1895. Par la suite, Maurice Perrault a son propre bureau d'architecte. Plusieurs projets lui sont confiés par l'État, dont les agrandissements de la prison des femmes de Montréal (1900) et de l'hôtel des postes de Montréal (1908-1910). Il participe aussi à la reconstruction de la cathédrale de Saint-Hyacinthe (1909-1910).
Perrault est maire de Longueuil de 1898 à 1902. Il est également député de la circonscription de Chambly à l'Assemblée législative de 1900 jusqu'à son décès.
Perrault a été l'un des membres fondateurs et conseiller de l'Association des architectes de la province de Québec. Il a participé aussi à la fondation de l'Institut d'architecture du Canada, en1908.
Il est décédé à Longueuil, le 11 février 1909. Il est inhumé au cimetière Notre-Dame-des-Neiges de Montréal.
Il avait épousé à Montréal, en 1879, Marie-Sara-Arthémise Hébert, fille de Charles-Polycarpe Hébert et de Rose de Lima Brosseau.
À propos de Albert Mesnard
Albert Mesnard est né à Saint-Lin (Saint-Lin-Laurentides) le 21 juin 1847. Mesnard fait ses études au collège de l'Assomption. Installé à Montréal, il travaille comme assistant de Victor Bourgeau, auprès de qui il s'initie à la sculpture et à l'architecture. Il ouvre un bureau à son nom en 1873 et travaille pendant quelques années au cabinet de l'arpenteur et architecte Henri-Maurice Perrault.
En 1880, Mesnard s'associe à Maurice Perrault, fils de son ancien patron, pour former la firme Perrault et Mesnard, qui s'installe quatre ans plus tard à la place d'Armes à Montréal. Rapidement, il obtient, avec son associé, des commandes d'envergure, notamment celle pour la conception de l'église de Sainte-Cécile à Salaberry-de-Valleyfield (1882-1884) et de la basilique de Sainte-Anne à Varennes (1884-1887). En collaboration avec Perrault, il réalise également l'église Saint-Antoine-de-Padoue de Longueuil (1884-1887). Ce projet donne un essor à sa carrière et lui permet de s'imposer, avec son partenaire, comme l'un des spécialistes de l'architecture religieuse dans la région de Montréal, prenant ainsi la relève de son ancien maître Victor Bourgeau.
On doit à son cabinet un nombre impressionnant d'églises et de chapelles dans la région. La firme acquiert une telle renommée, qu'elle est sollicitée pour réaliser des projets pour l'Église catholique ailleurs au Canada et aux États-Unis.
En 1892, Mesnard et Perrault s'adjoignent les services de l'architecte Joseph Venne, qui collaborait déjà depuis un certain temps avec les deux hommes. La nouvelle société reçoit la plupart des commandes institutionnelles et religieuses de la clientèle canadienne-française de la région de Montréal et continue d'être sollicitée ailleurs. Mesnard participe alors notamment à quelques chantiers prestigieux de Montréal dont ceux de l'agrandissement de la Banque du Peuple (1893-1894), du Monument-National (1891-1894) et du pavillon de l'Université Laval à Montréal (1893-1895). La société Perrault, Mesnard et Venne est dissoute en 1895. L'architecte travaille alors seul, mais forme quelques brèves associations avec, entre autres, Théodore Daoust de 1897 à 1898, Joseph-Arthur Godin de 1901 à 1902 et Charles Bernier de 1903 à 1907.
Références :
- Base de données sur le patrimoine : Station de pompage Craig. Grand répertoire du patrimoine bâti de Montréal. Bâtiment: 0142-12-4467-01. Propriété: 0142-12-4467. Québec, 2002-2017.
- Gouvernement du Québec : Répertoire du patrimoine culturel du Québec. Culture et Communications, 2013.
- Alertes citoyennes : Station de pompage Craig. Site identifié par Emory Shaw. Héritage Montréal, 12 décembre 2017.
- Archives de Montréal : Montréal passé et présent. En route vers notre centenaire en 2013, 22 juillet 2010.
- François Cardinal : L’art pourrait trouver pignon sous le pont. La Presse, 10 mars 2003.
- L'Association québécoise pour le patrimoine industriel : La station de pompage Craig: description et état. Mémoire présenté au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement dans le cadre du Projet de modernisation de la rue Notre-Dame à Montréal, 9 janvier 2002.
- Studio Pluche : On pompe!, mercredi 17 novembre 2010.
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