La liberté de la presse et la liberté d'expression sont en chute libre au Canada depuis l'élection de Justin Trudeau en 2015
Par | Le 29/03/2018 | Commentaires (0)
Le Premier ministre Justin Trudeau se présente comme un farouche défenseur d’une « presse libre ». Pourtant, au cours de l’année écoulée, cet engagement est resté lettre morte. Au Canada, malgré la Constitution de 1982 qui garantit la liberté de la presse, la situation des journalistes atteste dans les faits d’une réalité très différente. Par exemple, plusieurs professionnels des médias ont été placés sous surveillance policière au Québec dans le cadre d’une enquête sur d’autres policiers. Un journaliste de Vice a pour sa part dû faire appel d’une décision de justice l’obligeant à remettre à la gendarmerie royale l’intégralité de ses communications avec une de ses sources. Un autre, travaillant lui pour TheIndependent.ca, encourt 10 ans de prison pour avoir couvert des manifestations dénonçant un projet hydroélectrique. Les journalistes de ce pays ne sont protégés par aucune « loi bouclier » (shield law). De plus, sous couvert de sécurité nationale, certaines législations, telles que le controversé projet de loi anti-terroriste C-51, se révèlent nuisibles à la liberté d’expression sur Internet.
Le Canada occupe depuis 2017 la 22e place au classement mondial de la liberté de presse de l’organisme Reporters sans frontières (RSF). Le Canada était au 8e rang en 2015, c'est-à-dire avant l'élection de Justin Trudeau, et au 18e rang en 2016.
RSF s’inquiète d’un « risque de grand basculement » de la situation de la liberté de la presse, « notamment dans les pays démocratiques importants » tels les États-Unis (43e, baisse de 2 places), le Royaume-Uni (40e, baisse de 2 places), le Chili (33e, baisse de 2 places) et la Nouvelle-Zélande (13e, baisse de 8 places). Et même si la France remonte de la 45e à la 39e place, RSF y note un « climat violent et délétère », notamment pendant la campagne présidentielle « où il devient normal d’insulter les journalistes, de les faire siffler et huer lors de meetings ». La Norvège, la Suède, la Finlande et le Danemark occupent le haut du classement, alors que l’Érythrée et la Corée du Nord terminent dernières.
Publié chaque année depuis 2002 à l’initiative de Reporters sans frontières (RSF), le Classement mondial de la liberté de la presse est un outil de plaidoyer essentiel fondé sur le principe de l’émulation entre Etats. Sa notoriété lui confère une influence croissante auprès des autorités publiques nationales. Trop de chefs d’Etat ou de gouvernement redoutent chaque année sa parution. Le Classement est une référence, citée par les médias du monde entier et utilisée par les diplomates et les organisations internationales telles que les Nations unies et la Banque Mondiale.
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Reporters sans frontières dénonce aussi le filtrage d'Internet, suit les évolutions inquiétantes des solutions techniques mises en œuvre dans différents pays du monde, et alarme le public sur le fait qu'Internet est de plus en plus contrôlé par les États et peut dans certains pays fausser la présentation objectives des évènements, en empêchant toute vérification par le grand public, privé de l'accès normal aux sources d'information, contrevenant à leur pluralité, ou en s'immisçant dans la vie privée des résidents.
Ainsi, la publication indépendante d'informations contradictoires sur Internet, ou le simple accès à ces informations peut exposer les internautes à des contraintes sur leurs droits à la liberté d'opinion et d'expression. Dans d'autre cas, les États prônent une règle de moralité contraignante sur des choix que les internautes et usagers d'Internet devraient pouvoir prendre eux-mêmes dans le cadre de leur vie privée. Dans certains cas, le recueil en secret d'informations privées est utilisé pour condamner légalement ces personnes à des peines infamantes ou discriminatoires, sans même qu'elles aient commis aucun fait contre la communauté elle-même, ni même exposé publiquement leurs opinions au sein de cette seule communauté (ce qui constitue pourtant un droit fondamental).
Aussi RSF s'alarme tout autant de l'usage flagrant de systèmes de filtrage autoritaires sur Internet, bloquant ou falsifiant les échanges d'informations diffusées librement dans d'autres pays (ce qui constitue une atteinte manifeste de la liberté de la presse et du droit à la culture défendus dans les articles 19 et 27, et contraire à l'article 30 final de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, ces pays faisant une interprétation abusive des articles 28 et 29 alinéa 2 pourtant limités par l'article 29 alinéa 3 et l'article 30), que de l'usage de plus en plus fréquent et abusif de bases de données nominatives contenant des informations privées utilisées à des fins commerciales, collectées ou revendues illégalement sans le consentement ni l'avertissement de leur propriétaire légitime, au mépris du respect de la vie privée et intime, proclamé dans l'article 12 de la Déclaration universelle des droits de l'homme approuvée par la quasi-totalité des pays.
Prédateurs de liberté
RSF publie chaque année un rapport sur l'état de la liberté de la presse dans le monde pour lequel elle a forgé la notion de prédateurs de liberté de la presse pour les chefs d'État, chefs de guerre et dictateurs, qui privent les journalistes de la liberté nécessaire à leur travail. Et qui, non seulement ne les protègent pas, mais les maltraitent, les persécutent, jusqu'à l'assassinat.
Ce rapport, très médiatisé à chaque sortie, se fonde sur plusieurs points pour évaluer la réelle liberté de la presse. Cela va des atteintes aux journalistes, en passant par les lois entravant ou limitant la liberté de la presse.
D’autre part, le classement annuel des pays sur la liberté de la presse prend en compte dans sa notation (à la base du classement) non seulement l'action et les règlements imposés à la presse par les autorités officielles du pays, mais aussi :
- les moyens légaux et judiciaires pris pour défendre la liberté de la presse et punir dans des conditions équitables ceux qui y portent atteinte, ainsi que
- les conditions locales d'exercice de la liberté de la presse, qui peut être limitée du fait :
- de pressions subies sur les journalistes dans leurs fonctions dans ce pays, que ce soit officieusement par des représentants de l'autorité légale (qui disposent parfois d'une liberté complète et de la protection de leur hiérarchie), ou par les résidents de ce pays ou par des groupes insurgés ou criminels (les enlèvements crapuleux ou politiques par exemple), ou
- d’interdictions faites aux journalistes d'accéder ou d'exercer dans certaines zones soumises au secret, ou
- de limitations excessives dans le temps permettant le libre accès des journalistes et le recueil des témoignages, ou
- d’absence officielle de protection de la presse dans certaines zones publiques de non-droit où vivent pourtant des résidents du pays, ou
- de la sélection excessive et non représentative des journalistes en droit d'exercer dans ce pays, ou
- de l’imposition de taxes et contributions obligatoires excessives (ou inéquitables relativement aux autres activités commerciales ou publiques de ce pays), de nature à freiner l'activité ou la diffusion de la presse dans ce pays, ou
- de la confiscation ou la saisie des éléments d'enquêtes, de preuves ou de témoignages recueillis, ou
- des pressions exercées contre les témoins avant la collecte de témoignages sincères, ou
- de l’obligation faite aux journalistes de révéler les noms des témoins et autres sources d'informations, cette révélation pouvant les mettre en danger, ou
- de la non-protection ou la condamnation des témoins ayant confié des informations sincères à la presse, ou
- de la falsification non condamnée des communiqués officiels, de nature à porter préjudice à la sincérité des informations publiées, et portant gravement atteinte à l'image de la presse, et à l'exercice normal de la liberté publique d'opinion.
- Enfin, RSF note les conditions de liberté d'accès aux informations par les résidents de ce pays, qui peuvent être entravées par la falsification, la censure, le brouillage ou le blocage technique des sources d’informations, y compris leurs moyens de diffusion et supports (par exemple l’interception du courrier et de la presse étrangère, la confiscation ou la destruction des supports d’information, le filtrage du téléphone et des télécopies, et le filtrage sur Internet).
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