Nos politiciens québécois devront-ils faire des excuses auprès de Marine Le Pen ?
Par | Le 25/04/2017 | Commentaires (0) | Politique internationale
À moins de 15 jours du 2e tour à l'élection présidentielle en France durant lequel Marine Le Pen pourrait bien devenir la Présidente de la République française, il est temps de faire le bilan sur l'accueil déplorable que lui réserva en 2016 la caste politique lors de son voyage en sol québécois et canadien.
En mars 2016, en visite au Québec, les principaux partis politiques la boudèrent avec mépris. Alors que Marine Le Pen passait la semaine au Canada, dans le cadre de la visite de la Commission du commerce international du Parlement européen dont elle est membre, la majorité des politiciens québécois refusèrent de la rencontrer : Philippe Couillard, François Legault, Pierre Karl Péladeau.
Le député péquiste Bernard Drainville eut l'outrecuidance de dire : « Elle devrait débarquer de l'avion et rembarquer illico, retourner chez elle ». Bien qu'il admette que ses idéologies soient opposées aux siennes, Amir Khadir s'est dit prêt pour sa part à s'asseoir avec la présidente du Front national, ajoutant : « Comprenez-moi bien, c'est par humanisme que je me suis offert » (SIC!).
L'attaché de presse de la ministre canadienne du Commerce international précisait aussi que Chrystia Freeland rencontrerait bien la délégation européenne, « mais Marine Le Pen ne sera pas présente ». Quant au parti conservateur fédéral, il indiquait que sa chef Rona Ambrose ne rencontrerait pas non plus la politicienne.
Alors que notre gouvernement est disposé à déployer le drapeau de la République islamique du Pakistan sur l'une des tours de l'Hotel du Parlement, il ne daigne même pas recevoir — avec la moindre considération — le chef d'un parti élu démocratiquement au sein d'un pays d'où est lui-même issu le Québec. Doit-on rappeler que madame Le Pen était, —et est toujours,— la présidente du premier parti en France, le Front national, et qu'elle siège depuis 2004 au Parlement européen, où elle co-préside le groupe politique Europe des nations et des libertés (ENL). Marine Le Pen figure aussi sur la liste du Time des cent personnes les plus influentes au monde en 2011 et 2015. Qu'ils aiment ou non le programme de Marine Le Pen, nos politiciens se devaient de la rencontrer courtoisement. Au contraire, ils ont fait preuve d'une fermeture d'esprit et d'un manque de vision politique, ce qui est un signe de faiblesse.
Entrevue avec Marine Le Pen
Le fondateur du Horizon Québec Actuel, Alexandre Cormier-Denis, écrivait dans Vigile Québec : « Nous considérons qu’il est tout à fait légitime - pour quiconque - de s’entretenir avec l’une des politiciennes les plus influentes d’Europe. Refuser de s’adresser à madame Le Pen et la réduire à une xénophobe n’aide pas à la compréhension du monde actuel. » (...) « L’hystérie médiatique que provoque sa visite témoigne du profond malaise québécois à débattre de phénomènes qui touchent l’immigration, la mondialisation et l’avenir des États-Nations ».
L'attitude de la journaliste Anne-Marie Dussault et de Radio-Canada est aussi déplorable. L’entrevue qu’a accordé la présidente du Front national à l’émission 24/60 le 23 mars 2016 sur les ondes du Réseau de l’information (RDI) a fait l’objet de nombreuses plaintes transmises à l’ombudsman de Radio-Canada, Guy Gendron, dans lesquelles on reproche notamment à l’animatrice d’avoir été condescendante avec la politicienne française. Le 12 avril, M. Pierre Tremblay, premier directeur, Programmation nouvelles et journalisme d’impact, a répondu à l'un des plaignants en justifiant sa prise de position sur des préjugés : « Mme Le Pen dirige un parti qui s’oppose à l’immigration. Le FN est vu par plusieurs comme étant raciste, intolérant et fermé aux réalités des réfugiés. En visite au Québec, Mme Le Pen est reçue froidement. La classe politique refuse de la rencontrer. La chef du FN se fait chahuter par des manifestants et critiquer par des artistes, politiciens et chroniqueurs pour ses positions radicales et pour avoir voulu, selon certains, donner des leçons au gouvernement canadien ».
L’ombudsman mentionne toutefois : « J’ajouterais qu’il est aussi troublant d’entendre distinctement l’animatrice émettre un son rageur (à 4 min 42 s du début) lorsque son invitée invoque la sagesse populaire pour justifier sa crainte de l’aggravation des problèmes liés à l’immigration. Cette claire manifestation d’impatience et/ou d’arrogance me semble difficilement conciliable avec une attitude d’ouverture et de respect ».
Le Québec se prépare à l’élection de Le Pen - #JDM https://t.co/Ego3t7emIz pic.twitter.com/P8BJZ853e5
— Journal de Montréal (@JdeMontreal) 6 mai 2017
Joanne Marcotte écrit sur son blogue : « Les 13 premières minutes portent démesurément sur le style Le Pen. On aime ça au Québec s’en prendre au style lorsqu’il ne correspond pas à la norme (ex: le style Labeaume). Dussault avait-elle besoin de faire cela pour plaire à sa propre clientèle et se faire pardonner d’avoir reçu pareil personnage? Peut-être. Toujours est-il que Dussault part d’un clip du Gala du cinéma pour démontrer « l’inacceptabilité sociale » de Le Pen par les gens de cinéma et les politiciens québécois. À mon avis, ce clip trahit plus la nature du monde du cinéma que celle de Le Pen. Vraiment… Donner autant d’importance à ce que pense une toute petite partie de l’élite artistocrate qui, on le sait, aimerait bien imposer ce dont on peut discuter et ce qui doit être tabou. Pitoyable. »
Les médias mentent toujours à propos de Marine Le Pen
«Le débat démocratique doit reconnaître la diversité des idées et des opinions ; sans celles-ci, nous sommes condamnés à la pensée unique.» — Alexandre Cormier-Denis
Maintenant que Marine Le Pen est à deux doigts de devenir la Présidente de la République française, nos politiciens québécois et canadiens devront-ils s'excuser auprès de celle-ci dans le cas où elle soit élue au 2e tour à l’élection présidentielle ? Quelles seront leurs positions envers elle ? Comment la recevront-elle ? Auront-ils une petite gêne ? Feront-ils amende honorable ? En ignorant Marine Le Pen avec mépris lors de son voyage au Québec en 2016, nos politiciens ont fait une grave erreur diplomatique. Ils ont fait ce qui ne se fait en aucun cas. Ils ont manqué de cette vision que tout homme ou femme politique doit posséder pour diriger un pays. De tels politiciens ne méritent pas d'obtenir le pouvoir.
Ils ne méritent à leur tour aucune considération.
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RÉFÉRENCES :
- Radio-Canada : La visite de Le Pen embarrasse la classe politique québécoise. Samedi 19 mars 2016.
- Alexandre Cormier-Denis : Oui, nous avons rencontré Marine Le Pen. Vigile Québec, 25 mars 2016.
- Éric Duhaime et Myriam Ségal : Anne-Marie Dussault blâmée par Radio-Canada. CJMF FM93, mars 2016.
- L’ombudsman de Radio-Canada : L'entrevue avec Marine Le Pen : une attitude impartiale et équitable? (24/60). Révision de Guy Gendron, Oombudsman, lundi 9 mai 2016.
- Marie-Renée Grondin : Entrevue Dussault-Le Pen: le jugement de l’ombudsman critiqué par Duhaime et Ségal. Le Journal de Québec, 12 mai 2016.
- Sophie Durocher : Marine Le Pen coupée au montage. Journal de Montréal, 30 mars 2016.
- Sophie Durocher : Marine Le Pen et la désinformation. Journal de Montréal, 1 avril 2016.
- Joanne Marcotte : Marine Le Pen en entrevue avec Anne-Marie Dussault. La politique québécoise... autrement, 22 mars 2016.
- Marc Cassivi : Le décalage Le Pen. La Presse, 1 avril 2016.
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